20 juin 2017 | Sterling

Comment éviter le piège de la mauvaise utilisation des vérifications relatives aux personnes vulnérables

Votre organisation exige-t-elle une vérification relative aux personnes vulnérables (VPV) pour certains postes? Quand une telle vérification s’impose-t-elle? Quels sont les avantages? Quels sont les risques?

Plus de 2,3 millions de VPV sont effectuées par la police chaque année. En tant qu’ancien directeur général du Répertoire national des casiers judiciaires, je trouve que la VPV est surutilisée, mal comprise et très souvent mal appliquée. Le processus de VPV est régi par la Loi sur le casier judiciaire, dont le titre complet est le suivant :

« Loi relative à la suspension du casier judiciaire des condamnés qui se sont réadaptés »

Une suspension de casier est accordée par la Commission des libérations conditionnelles du Canada si celle-ci juge que le demandeur s’est bien comporté et a prouvé sa réadaptation. L’existence d’une suspension ne peut être révélée à quiconque sans l’approbation du ministre de la Sécurité publique. Depuis 1970, près de 500 000 suspensions de casier ont été octroyées au Canada, et plus de 95 % sont toujours en vigueur.

Les infractions commises varient et ne sont presque jamais divulguées, car ce serait illégal. En effet, la Loi canadienne sur les droits de la personne interdit toute discrimination fondée sur l’existence d’une suspension de casier. Des dispositions semblables existent dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, en Ontario et au Québec. Mais pourquoi la loi autorise-t-elle la divulgation potentielle d’un petit nombre d’infractions? Quelle est la raison d’être de cette exception à la règle?

Étant donné que la Commission nationale des libérations conditionnelles (comme elle s’appelait à l’époque) avait pardonné 14 000 personnes ayant commis des infractions sexuelles depuis 1970, un processus autorisant la divulgation de certaines infractions, à l’issue d’un examen au cas par cas, fut mis en place. Ce processus extraordinaire, ajouté à la Loi sur les casiers judiciaires en 2000, est assorti des trois conditions suivantes :

  • Le service de police qui effectue la VPV doit juger que la vérification est appropriée. Cette exigence crée un véritable casse-tête pour les organisations demandeuses (puisqu’elle est interprétée différemment par les divers services de police).
  • Le candidat doit fournir un consentement éclairé au début du processus, puis renouveler ce consentement si l’existence d’une suspension de casier est établie, pour que soit divulguée une condamnation.
  • Le ministre de la Sécurité publique doit évaluer plusieurs critères – notamment le poste en question ainsi que la date et la gravité de l’infraction – pour décider de divulguer ou non une condamnation.

Cette dernière condition est importante, car la législation canadienne a évolué. Certaines personnes fichées ont été condamnées pour des actes qui ne sont plus des crimes aujourd’hui. Ainsi, la pertinence de la condamnation pour le poste est la grande question. C’est pourquoi la décision du ministre de divulguer ou non une condamnation n’est valide que pour le poste évalué. Pour respecter l’esprit de la loi, il faut donc effectuer une nouvelle VPV si le candidat souhaite changer de poste. Or, bien des organisations négligent de le faire et contournent ainsi la protection qu’est censée offrir la troisième condition.

Sur les 2,3 millions de VPV demandées chaque année, 124 (en moyenne) vont potentiellement jusqu’à cette troisième étape. En supposant que le ministre autorise la divulgation dans les 124 cas, on obtient un taux de divulgation de moins de 0,005 %. Dans le cas très peu probable où l’organisation est informée d’une condamnation, elle doit se montrer très prudente et tenir compte de la vie privée et des droits de la personne avant de prendre une décision.

Demandez-vous ceci : votre organisation a-t-elle déjà été informée d’une condamnation après une VPV? Si oui, quelle a été votre décision?

Beaucoup d’organisations me disent qu’elles sont obligées d’effectuer une VPV. Vérification faite, c’est très rare qu’une organisation soit légalement tenue de le faire. Bref, la grande majorité des VPV sont effectuées parce que l’organisation pense que c’est une précaution qui ne peut pas nuire. Or les VPV ont des incidences négatives dont vous devez tenir compte lorsque vous décidez de les intégrer ou non à votre processus d’embauche.

Depuis 2010, le gouvernement fédéral a pour politique d’interdire aux entreprises de vérification des antécédents d’effectuer une VPV. Toute organisation jugeant qu’une VPV s’impose doit s’adresser au(x) service(s) de police du lieu de résidence du candidat. Voyons quelques incidences des VPV sur le processus d’embauche :

  • Impossibilité d’obtenir de façon sûre, rapide et systématique des renseignements sur d’autres condamnations consignées par la police locale ou nationale;
  • Résultats papier transmis au candidat de manière non sécuritaire;
  • Résultats qui varient d’un territoire à l’autre et dont l’authenticité ne peut être vérifiée que par le service de police;
  • Impossibilité d’intégrer facilement cette vérification aux autres services dont l’organisation a besoin (vérification du dossier de crédit, des références, des études, etc.);
  • Expérience négative pour le candidat (délais, dépenses, nuisance) qui nuit au processus d’embauche et à la prestation de services;
  • Haut taux de prise d’empreintes digitales chez les hommes de plus de 30 ans qui entraîne le retrait de candidats pourtant convenables.

Une consultation électronique des dossiers de la police locale et nationale est moins risquée – surtout si elle est effectuée systématiquement par un expert indépendant –, car elle élimine tous les inconvénients énumérés ci-dessus.

La concurrence pour les ressources humaines est féroce. La qualité des services que fournit une organisation dépend de sa capacité à attirer et à intégrer efficacement des candidats de talent. En matière de dotation, le plus grand risque auquel s’expose toute organisation – qu’elle travaille ou non auprès de groupes vulnérables – est l’inefficacité et l’inadéquation de ses processus de vérification et de ses politiques internes. Heureusement, l’organisation peut réduire sensiblement ce risque en pesant le pour et le contre des VPV.

Le mois prochain, je traiterai des vérifications relatives aux personnes vulnérables chez les moins de 30 ans.

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